La fraîcheur du mois d’Avril 2021 remet-elle en cause le réchauffement climatique ?

Vous l’avez probablement remarqué, il a fait froid durant le mois d’Avril 2021, très froid. Comme je vous parle régulièrement de records de chaleur, je me suis dit qu’il serait intéressant de regarder de plus près les températures mesurées ce mois-ci et de les remettre en perspective. Spoiler alerte, il n’a pas fait si froid et ce genre d’événement n’est absolument pas incompatible avec ce que nous observons du changement climatique.

Rapide résumé de la situation

Durant une bonne partie du mois d’Avril, les températures étaient en dessous des normales saisonnières pour de nombreuses régions de France, en particulier celles éloignées des littoraux. Cependant, deux vagues de froid ont particulièrement marqué les esprits, une première entre le 6 et le 8 et une seconde entre le 12 et le 18, de moindre intensité. Durant ces événements, de nombreux records de froid pour le mois d’Avril ont été battus, notamment durant la nuit où les gelées ont pu être très fortes. Ce mois d’Avril 2021 est d’ailleurs considéré comme le plus froid observé ces 20 dernières années.

Ces fortes gelées ont malheureusement eu des impacts importants sur la végétation et notamment sur les arbres fruitiers et les vignes qui, après une fin Mars particulièrement chaude, étaient déjà en pleine floraison pour la plupart. D’ailleurs, les records de chaleur battus le Mardi 29 Mars ont souvent été égalés, voire battus de nouveau dés le lendemain. Cette chaleur a donc participé à la reprise anticipée de la croissance de nombreuses variétés agricoles ce qui a augmenté l’impact des vagues de froid d’Avril. Ce phénomène a été observé quasiment tous les ans ces dernières années, ce qui remet sérieusement en cause le modèle agricole et notre capacité à faire de l’agriculture conventionnelle sous un climat changeant.

Si l’on regarde de plus près les températures d’Avril 2021, elles sont en moyenne en dessous des normales de saison en France métropolitaine mais… pas tant que ça ! Même s’il faut encore attendre quelques temps avant d’avoir des données consolidées, Météo France parle d’une température moyenne d’environ -0.72°C par rapport aux normales de saison, ce qui est loin, très loin d’être exceptionnel puisque cela le placerait à la 35e place des mois d’Avril les plus froid des 100 dernières années. En revanche, les températures minimales ont été particulièrement froides à cause notamment des deux vagues de froid : on observe cette fois des minimales à -1.84°C par rapport aux normales de saison ce qui place Avril 2021 en 6e place des mois d’Avril les plus froid des 100 dernières années. Si l’on regarde ces valeurs, Avril 2021 est le plus froid depuis environ 50 ans !

Vous pouvez consulter ces chiffres ici : https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/climat/avril-2021-le-plus-frais-depuis-20-ans

Le froid a contrarié l'arrivée du printemps
source : https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/climat/avril-2021-le-plus-frais-depuis-20-ans

Mise en perspective : les records de chaleurs

Au niveau mondial, 2020 a été la 2e année la plus chaude jamais enregistrée (derrière 2016, et proche de 2019) alors même que nous étions dans un phénomène « La Niña » connu pour globalement abaisser les températures mondiales, ce qui explique en partie notre hiver relativement arrosé et plus « frais » que les années précédentes. Les 7 dernières années (2014-2020) sont les 7 années les plus chaudes mesurées, les 44 dernières années sont toutes plus chaudes que la moyenne pré-industrielle, 2020 a été l’année la plus chaude en Europe et en France.

Source : https://www.ncdc.noaa.gov/sotc/global/202013

Si nous regardons maintenant ce début d’année 2021, l’hiver a été en moyenne plus chaud de +1.2°C, cela signifie que l’écart à la moyenne a été plus important cet hiver qu’il ne l’a été durant le mois d’Avril, autrement dit, il a fait « anormalement » plus chaud cet hiver que plus froid en Avril. Si l’on regarde plus en détails les valeurs de ces derniers mois, on observe un écart de + 1.3°C pour Décembre 2020, -0.1°C pour Janvier 2021 (températures de saison), + 2.5°C pour le mois de Février 2021, +0.2°C pour Mars 2021 (températures de saison) et donc -0.72°C pour Avril.

Ce que je veux vous faire remarquer ici, c’est que l’on est souvent bien au-dessus des normales de saison et très rarement, voire jamais, en-dessous de celles-ci. Pour cela, le mois d’Avril 2021 est plutôt exceptionnel mais son intensité n’a pas grand chose de « remarquable » en comparaison aux mois précédents de cette même année.

Quelques liens pour aller plus loin :

http://www.meteofrance.fr/climat-passe-et-futur/bilans-climatiques/bc2021/bilan-climatique-de-l-hiver-2020-2021

https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/climat/mars-2021-tres-peu-arrose-avec-des-temperatures-tres-contrastees

Conclusion

Ce court article a pour vocation de vous montrer plusieurs choses. Tout d’abord, il a effectivement fait froid en Avril mais ce froid n’est absolument pas aussi intense que la chaleur que nous observons le reste de l’année. Pour comparaison, il a fait en moyenne +2.0°C en Europe en 2020, cela signifie que l’intensité de la chaleur moyenne en 2020 a été environ 3 fois supérieur à l’intensité du froid en Avril 2021. Or, alors qu’un mois plus froid déferle la chronique, nous ne nous rendons pas compte que la majorité des mois précédents ont été « pires » en terme d’écart aux normes de saison. Cela provient du caractère exceptionnel des gelées tardives que nous avons subies et des pertes associées de rendement/production agricole. Néanmoins, je pense aussi que nous nous habituons progressivement à un climat plus doux et les mois avec des températures de saison ou inférieures nous paraissent bien plus extrêmes car ils sont, de fait, beaucoup plus rares de nos jours.

Le changement climatique que nous observons ces dernières années n’exclue absolument pas des vagues de froid printanières qui sont plutôt dues à des coulées d’air glacial d’Arctique à cause des courants et de la position des terres émergées européennes qu’à un refroidissement généralisé du climat. Nous pouvons donc affirmer, avec une grande certitude, que ces événements ne vont pas disparaître avec le réchauffement de la planète. En revanche, il faut bien comprendre qu’il va être de plus en plus difficile de gérer ces coulées froides. De plus, nous ne savons pas a priori si le changement climatique va accentuer l’intensité ou la fréquence de ces phénomènes, que l’on observe par ailleurs de plus en plus souvent (mais à ce stade, cela peut être une simple coïncidence). Nous savons en revanche que le climat sera moins stable et cela n’est clairement pas incompatible avec une augmentation des coulées froides.

Les épisodes de chaleurs de fin d’hiver vont probablement devenir de plus en plus fréquents, intenses et précoces dans la saison. Cela risque d’avoir pour effet un redémarrage de la végétation de plus en plus tôt (déjà observé) et donc des dégâts plus importants des gelées tardives sur les arbres fruitiers. Ces phénomènes s’ajoutent au stress hydrique (sécheresse) qui est voué à augmenter dans les prochaines années, rendant l’agriculture difficile. Cela soulève quelques questions quant à notre modèle agricole qui favorise la monoculture d’une variété unique sur de grandes étendues, ce qui fragilise énormément la production et les rendements dans un climat changeant. En effet, les grandes étendues uniformes sont de fait plus affectées par le froid (ou la chaleur !) qu’un paysage avec une structure plus complexe et des variations de hauteur qui peuvent couper le vent, ombrager et mieux réguler les températures. De plus, la culture de plusieurs variétés différentes est une garanti qu’au moins certaines d’entre-elles ne vont pas voir leur production réduite à néant par une vague de froid ou une sécheresse. En effet, la variabilité naturelle de ces variétés entraîne un étalement dans le temps des périodes de floraison et de fructification, ainsi que des résistances variables aux aléas climatiques et aux pathogènes.

Tout comme les épisodes de froid ne sont pas des preuves que le climat ne se réchauffe pas, il faut bien garder en tête que les épisodes isolés de chaleur et de canicule ne prouve absolument pas le réchauffement climatique. Pour cela, il est bien plus sage de regarder les températures moyennes sur un territoire pas trop petit. En revanche, l’accumulation des canicules ou l’explosion régulière des records de chaleur sont des symptômes que le climat change et se réchauffe. Nous observons en effet bien plus souvent une anomalie thermique positive que négative, de même, nous battons régulièrement des records de chaleur et rarement de fraîcheur. Ces observations constituent es preuves que le climat se réchauffe, ce qui n’exclue absolument pas des périodes froides localisées et épisodiques.

Enjoy !

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